Depuis son lancement en 2013, le programme de Golden Visa en Grèce a profondément bouleversé le marché immobilier, en particulier à Athènes. Pensé pour relancer l’économie après la crise financière qui avait durement frappé le pays, ce dispositif a attiré des milliers d’investisseurs étrangers séduits par la promesse d’un accès facilité à l’Union européenne. Mais au-delà de cet engouement, quels ont été les véritables impacts sur la capitale grecque, sur ses habitants et sur son tissu économique ?
Qu’est-ce que la Golden Visa en Grèce ?
La Golden Visa est un programme de résidence par investissement. En Grèce, il permet à tout ressortissant non européen d’obtenir un permis de séjour de cinq ans (renouvelable) en échange d’un investissement immobilier d’au moins 250 000 euros — l’un des montants les plus bas d’Europe pour ce type de programme.
Avec ce visa, les bénéficiaires peuvent circuler librement dans l’espace Schengen, sans pour autant être obligés de résider en Grèce. Ce programme a donc attiré une population fortunée provenant majoritairement de Chine, de Russie, du Moyen-Orient, mais aussi, depuis quelques années, d’Amérique du Nord et d’Afrique du Sud.
Athènes : un nouveau terrain de jeu pour les investisseurs
Si au début les îles grecques avaient la cote, c’est finalement Athènes qui est devenue la véritable vedette du programme Golden Visa. Pourquoi ?
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Accessibilité et prix attractifs : après la crise économique, les prix de l’immobilier à Athènes avaient chuté jusqu’à 40-50 %, rendant les biens extrêmement abordables pour des investisseurs étrangers.
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Rendement locatif élevé : avec l’explosion d’Airbnb et du tourisme urbain, Athènes offrait (et offre encore) des opportunités de revenus locatifs intéressants.
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Croissance économique : la reprise économique progressive, soutenue par des réformes et par l’essor touristique, donnait confiance aux investisseurs.
Ainsi, de nombreux quartiers du centre historique, comme Plaka, Monastiraki, Psiri, mais aussi des zones plus populaires comme Exarchia ou Koukaki, ont vu les projets d’investissement se multiplier.
Les effets directs sur le marché immobilier
Hausse des prix
Selon les données de la Banque de Grèce, les prix de l’immobilier résidentiel à Athènes ont augmenté de plus de 45 % entre 2017 et 2022. Cette flambée est largement imputée à la demande étrangère générée par la Golden Visa.
Dans certains quartiers prisés du centre, les prix ont parfois doublé en moins de 5 ans, excluant ainsi de nombreux Grecs de l’accès à la propriété, en particulier les jeunes actifs.
Gentrification accélérée
Avec l’arrivée massive d’investisseurs étrangers, certains quartiers populaires ont vu leur visage changer rapidement. Les immeubles anciens ont été rénovés pour être transformés en appartements de standing ou en locations de courte durée, attirant une clientèle touristique et étrangère, mais créant également une pression sur les loyers pour les habitants locaux.
Exarchia, par exemple, connu historiquement pour son ambiance alternative et contestataire, voit progressivement émerger des cafés branchés et des hôtels-boutiques destinés aux visiteurs fortunés.
Baisse du parc locatif résidentiel classique
Avec la multiplication des locations Airbnb, l’offre de logements classiques à destination des Grecs s’est raréfiée, ce qui a entraîné une augmentation notable des loyers. À Athènes, le loyer moyen a augmenté de plus de 30 % depuis 2018, mettant sous tension le marché locatif local.
Les bénéfices économiques pour la Grèce
Malgré les critiques, il serait injuste de nier les bénéfices de la Golden Visa pour l’économie grecque :
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Afflux de capitaux étrangers : Le programme a rapporté plusieurs milliards d’euros à l’économie grecque en investissements directs.
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Relance de la construction : Avec la demande accrue, de nombreux projets de rénovation et de construction neuve ont vu le jour.
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Création d’emplois : Le secteur du bâtiment, de l’architecture et des services immobiliers a largement profité de cette dynamique.
Un programme en mutation
Face au succès du programme, mais aussi aux critiques internes, le gouvernement grec a décidé en 2023 de modifier certaines règles :
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Dans les zones les plus tendues comme Athènes, Thessalonique, Mykonos et Santorin, le seuil d’investissement minimal est passé de 250 000 à 500 000 euros pour limiter la pression sur l’offre immobilière locale.
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Un effort est également fait pour encourager les investissements hors des grandes villes, afin de répartir les bénéfices sur l’ensemble du territoire.
Ces ajustements visent à préserver l’accessibilité du logement pour les Grecs tout en maintenant l’attractivité du programme.
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Vers un modèle plus durable ?
La Grèce tente désormais de trouver un équilibre entre :
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Attirer des investisseurs étrangers, moteur de croissance pour l’économie.
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Protéger l’accès au logement pour ses propres citoyens.
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Préserver l’authenticité de ses quartiers historiques, menacée par la gentrification et la standardisation touristique.
Le débat reste vif dans la société grecque. Certains voient la Golden Visa comme une « vente » du patrimoine national, tandis que d’autres la considèrent comme une bouffée d’oxygène pour un pays qui cherche encore à se remettre de la crise.
Le Golden Visa a clairement métamorphosé le marché immobilier d’Athènes. En moins de dix ans, la capitale grecque est passée d’une ville abordable à un hub international de l’investissement immobilier. Ce dynamisme a revitalisé certains quartiers et stimulé l’économie, mais il a aussi exacerbé les inégalités et poussé de nombreux Athéniens vers la périphérie.
À l’avenir, la réussite du programme dépendra de la capacité de la Grèce à gérer cette croissance de manière plus équilibrée, en protégeant l’âme de ses villes tout en restant accueillante pour les investisseurs du monde entier.