27 juillet 2025
AccueilActualitéLes modèles de propriété d’usage en Europe : du co‑housing aux coopératives...

Les modèles de propriété d’usage en Europe : du co‑housing aux coopératives immobilières

-

En Europe, face à la flambée des prix de l’immobilier, aux crises du logement urbain et à la recherche de nouveaux modes de vie, un modèle alternatif émerge lentement mais sûrement : la propriété d’usage. Entre propriété privée classique et location traditionnelle, cette forme hybride séduit de plus en plus de citoyens désireux de concilier stabilité, solidarité et sobriété économique.

Des coopératives immobilières aux projets de co-housing, en passant par les résidences intergénérationnelles ou encore les colocations monoparentales, ces initiatives repensent les usages de l’habitat, la gouvernance et le rapport au foncier. Ce mouvement est particulièrement dynamique dans des pays comme l’Allemagne, la Belgique ou le Danemark, où l’ancrage historique de l’économie sociale favorise l’émergence de ces alternatives.

Qu’est-ce que la propriété d’usage ?

La propriété d’usage, par opposition à la propriété lucrative, consiste à séparer l’usage d’un bien de sa valeur spéculative. Dans ce modèle, les habitants n’achètent pas un bien pour le revendre à profit, mais pour l’occuper durablement, souvent via des structures collectives comme des coopératives d’habitants ou des groupements de co-housing.

- Partenaire -

Plutôt qu’un bien privatif dont on dispose librement sur le marché, le logement devient un droit d’usage pérenne et sécurisé, garanti par un cadre juridique et une gouvernance partagée. Cela réduit les logiques spéculatives, protège de la gentrification, et crée des logements durables à prix maîtrisés.

Des formes variées à travers l’Europe

1. En Allemagne : l’exemple de Tübingen

Tübingen, ville universitaire du Bade-Wurtemberg, est devenue un laboratoire du Baugruppen (groupes de construction), une forme très populaire de co-habitat. Depuis les années 2000, la municipalité vend des terrains à prix réduits à des collectifs de futurs habitants, qui conçoivent et financent ensemble leurs immeubles, tout en intégrant des objectifs sociaux ou écologiques.

La ville impose des critères : projets intergénérationnels, logements sociaux intégrés, mixité des revenus. Le succès est tel que plus de 50 % des logements neufs sont issus de ces initiatives. La gestion collective se poursuit après la construction, via des associations de copropriétaires autogérées, souvent inspirées du modèle coopératif.

- Annonce -

2. En Belgique : les coopératives en plein essor

La Belgique francophone connaît un développement important des coopératives d’habitation, notamment à Bruxelles. Le modèle phare est “Fair Ground Brussels”, une foncière coopérative qui achète des biens pour y développer des logements abordables, hors spéculation.

Les habitants deviennent co‑coopérateurs : ils paient un droit d’usage au lieu d’un loyer, participent à la gestion et peuvent revendre leurs parts… sans réaliser de plus-value, pour maintenir le logement dans le circuit de l’habitat abordable.

Autre initiative remarquable : la colocation monoparentale, soutenue par des associations comme Habitat et Participation, qui favorise la mise en commun de logements entre parents isolés, avec un accompagnement social.

3. En France : des projets pionniers en devenir

Le modèle peine à percer en France, où l’obsession de la propriété individuelle reste forte. Toutefois, des projets comme La Maison des Babayagas à Montreuil (résidence autogérée de femmes âgées), ou la coopérative Chamarel à Vaulx-en-Velin, montrent que l’habitat participatif commence à trouver sa place.

En 2014, la loi ALUR a introduit un statut juridique spécifique pour les co-opératives d’habitants, mais celles-ci restent marginales. Le soutien institutionnel demeure timide, comparé aux efforts fournis en Allemagne ou au Danemark.

Gouvernance collective : comment ça fonctionne ?

Les projets de propriété d’usage reposent sur une gouvernance partagée. La règle est simple : une personne = une voix, quels que soient les apports financiers. L’auto-gestion repose sur la transparence, la participation aux décisions collectives, et des statuts clairs encadrant les responsabilités de chacun.

Certaines coopératives adoptent un mode de gouvernance inspiré de l’holacratie ou de la sociocratie, favorisant les décisions consensuelles et la rotation des rôles.

Cela demande un fort investissement humain et relationnel, mais crée une culture de l’habitat plus durable, et un sentiment d’appartenance que peu d’immeubles classiques peuvent revendiquer.

Aspects juridiques : une mosaïque européenne

Chaque pays européen encadre ces modèles à sa manière :

  • Allemagne : Le statut de la Genossenschaft (coopérative) est ancien et largement reconnu. Il permet aux habitants de devenir sociétaires de la structure qui détient les logements. Légalement robuste, il offre sécurité et stabilité.

  • Belgique : Le droit des sociétés coopératives est bien établi. Certaines foncières à but social bénéficient de statuts favorables et de soutiens publics.

  • France : La loi ALUR a créé un statut juridique pour les coopératives d’habitants, mais les lourdeurs administratives et fiscales freinent encore le développement du modèle.

  • Danemark : Le pays est un pionnier de la coopérative de logement (andelsboliger), qui représente près de 30 % du parc de logements à Copenhague. Le système repose sur un droit d’usage transmissible, avec une valorisation plafonnée.

Cette diversité crée des inégalités d’opportunité selon les pays, mais offre aussi un vivier d’expériences à mutualiser à l’échelle européenne.

Défis et limites

1. Financement

Monter une coopérative ou un projet participatif nécessite un apport collectif important, souvent sans garantie hypothécaire classique. Cela rend l’accès au crédit difficile. Certaines banques éthiques, comme Triodos ou La Nef, se spécialisent dans ces montages, mais restent peu nombreuses.

2. Temps et énergie

Créer un habitat partagé demande un fort engagement humain. La phase de conception peut durer plusieurs années. Des tensions peuvent apparaître en cours de route, notamment dans la répartition des responsabilités ou les choix architecturaux.

3. Manque de reconnaissance institutionnelle

Dans certains pays, l’absence de statut clair ou de fiscalité adaptée freine les porteurs de projet. Le cadre réglementaire reste pensé pour la propriété classique ou la location commerciale, non pour l’usage partagé.

Un impact réel sur le logement abordable

Malgré ces obstacles, la propriété d’usage offre une réponse concrète à la crise du logement, en particulier dans les métropoles. En sortant les logements du marché spéculatif, elle permet :

  • de maîtriser les prix sur le long terme ;

  • de garantir une mixité sociale réelle dans les centres urbains ;

  • de stabiliser les parcours résidentiels de populations fragiles.

L’exemple de Zurich, où près d’un tiers des logements sont en coopérative, démontre qu’un autre modèle d’habitat est possible à grande échelle.

Lire aussi : Comment la transition écologique influence l’immobilier en Europe

Vers un renouveau européen de l’habitat

La propriété d’usage n’est ni une utopie ni un luxe de bobos écolos. C’est une alternative crédible et réaliste à la propriété spéculative, capable de répondre aux défis sociaux, économiques et environnementaux du logement.

Pour cela, il faut :

  • un soutien institutionnel plus fort (accès au foncier, garanties bancaires, accompagnement juridique) ;

  • une mutualisation des expériences à l’échelle européenne ;

  • une valorisation de l’engagement citoyen dans la fabrique de la ville.

Les coopératives, co-housing, et autres projets d’habitat partagé incarnent une transition de fond, qui redonne au logement sa vocation première : être un espace de vie, de lien et de sécurité.

- Advertisement -

Newsletter

  • Vous affirmez avoir pris connaissance de notre politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment sur simple demande par mail à contact@immobiliereneurope.com
Quitter la version mobile